Quelle société veut-on édifier?
de David Orchard
Publié en anglais dans le Calgary Herald, 3 avril,
2002 , "Alliance-PC cooperation doomed: deep roots of the Conservative
party make it the only national alternative, David Orchard claims"
et dans le Montreal Gazette, PEI Guardian and Saskatoon
Star-Phoenix.
L'Alliance réformiste du Canada s'est choisi un nouveau chef,
et, déjà, chroniqueurs, politiciens et commentateurs divers réclament
en choeur l'"union" des alliancistes et des progressistes conservateurs.
Pour illustrer son intention de "négocier en position de force",
M. Harper a enjoint le Parti conservateur de commencer par modifier
sa constitution, laquelle oblige le parti à présenter un candidat
dans chaque circonscription aux élections fédérales. Il n'a pas
caché ce qu'il pensait de certains membres du Parti conservateur
: "Joe Clark ne semble pas avoir la capacité ou la volonté de faire
face à la réalité" ou encore "On ne peut pas construire un parti
avec des hommes comme David Orchard ou Dalton Camp".
Tout cela nous amène à une question fondamentale: pourquoi le
Parti conservateur s'allierait-il à un parti et à des politiques
que la majorité des Canadiens rejettent? Pour les dernières élections,
l'Alliance s'était trouvé un nouveau chef télégénique, avait ses
coffres pleins et jouissait d'une publicité très favorable, mais
son programme politique l'a empêchée de faire la moindre percée
auprès de l'électorat.
Tout projet d'association, de fusion ou de « coopération "avec
l'Alliance obligerait le Parti conservateur à renoncer aux valeurs
fondamentales qui l'ont inspiré pour créer le Canada et mettre en
place bon nombre des institutions qui ont assuré la perennité et
la croissance de notre pays.
L'idée même d'"union de la droite" au Canada est une chimère électorale.
Les libéraux et les conservateurs sont les seuls partis à avoir
formé un gouvernement au Canada, et jamais avec un programme de
droite. En fait, les conservateurs ont plus souvent réussi à se
faire élire en se plaçant à gauche des libéraux, à preuve la victoire
électorale écrasante de John Diefenbaker lorsqu'il a accusé les
libéraux d'avoir bradé le pipe-line transcanadien à des intérêts
américains.
Sur des questions fondamentales, les positions de M. Harper et
de l'Alliance sont diamétralement opposées aux traditions du Parti
conservateur.
Lorsque le député allianciste Jim Pankew a lancé son attaque contre
le bilinguisme à la Chambre des communes, Stephen Harper lui a immédiatement
offert son appui. Dans un article illustrant la devise de la Coalition
nationale des citoyens, "Plus de liberté avec moins de gouvernement",
M. Harper a déclaré que "le bilinguisme est un mythe: il ne nous
a pas donné la justice et l'unité, et il nous a coûté beaucoup plus
cher qu'on veut bien nous le dire".
Or, le Parti conservateur, qui est le fruit d'une alliance conclue
entre George-Étienne Cartier et John A. Macdonald et maintenue jusqu'à
Mulroney et à Joe Clark, sait pertinemment que le bilinguisme est
un principe fondamental au Canada, que tout parti national doit
respecter et défendre sans équivoque s'il veut former le gouvernement.
Pour ce qui est du dossier des Autochtones, l'Alliance préconise
la privatisation des réserves et la révocation de ce qu'elle appelle
les politiques "fondées sur la race", autrement dit l'assimilation
des Autochtones. Le bras droit de Stephen Harper, Tom Flanagan,
est bien connu pour ses attaques contre les droits des Métis et
des Autochtones. Le Parti conservateur, par contre, a une position
radicalement différente, ce que les communautés autochtones et non
autochtones savent pertinemment, qui est de respecter les valeurs
fondamentales du Canada et le pacte conclu entre la Couronne et
les Premières nations, lequel a été suivi de la Charte des droits
adoptée par John Diefenbaker et, finalement, de l'émancipation des
Autochtones du Canada.
À eux seuls, ces deux dossiers condamnent d'avance toute tentative
de coopération ou d'union entre l'Alliance et le Parti conservateur,
mais il y a d'autres pommes de discorde.
Notre génération va devoir décider de la relation qu'elle veut
avoir avec les Américains. Le Canada doit-il se laisser assimiler
sur les plans économique, culturel, monétaire, militaire et, finalement,
politique par son puissant voisin? Contrairement à ce qu'ils promettent
pendant les campagnes électorales, les libéraux sont en train de
nous précipiter dans cette voie. L'Alliance et M. Harper n'ont rien
contre: ils seraient même enclins à accélérer le processus.
Peu après les dernières élections, Stephen Harper a qualifié le
Canada de "pays socialisant de deuxième ordre" et a exorté la province
la plus riche à "commencer à construire un autre pays". Les Albertains
ont choisi "l'individualisme et l'esprit d'entreprise américains",
poursuivait-il dans son article, "Édifions une société fondée sur
les valeurs de l'Alberta". L'adoption d'un tel programme ferait
disparaître le Parti conservateur de la scène canadienne.
Seul un Parti conservateur modéré et rassembleur peut représenter
une option viable par rapport aux libéraux et avoir une bonne chance
de former le gouvernement.
Si une élection devait opposer Stephen Harper et Paul Martin,
par exemple, il n'y aurait pas de place pour un Parti conservateur
de droite qui voudrait se glisser entre les deux. Il y a par contre
une place à la gauche des libéraux pour un parti qui refuserait
de renoncer à la souveraineté du Canada, d'adopter la devise américaine
et de laisser se détériorer notre environnement, maiis qui dirait
oui à une vision d'un Canada puissant et indépendant.
Ce sont là des questions que l'Alliance ne veut pas aborder, mais
qui pourraient fort bien provoquer la chute des libéraux et le retour
au pouvoir d'un Parti conservateur qui aura su renouer avec ses
traditions historiques.
"Édifions une société à partir de valeurs canadiennes": c'est
le défi que je vous lance, M. Harper.
David Orchard est l'auteur de Hors des griffes
de l'aigle: quatre siècles de résistance à l'expansionnisme américain,
et s'est classé deuxième lors de la dernière course à la direction
du Parti conservateur. Il exploite une ferme à Borden, SK; on peut
le joindre par téléphone au (306) 664-8443, ou par courriel à davidorchard@sasktel.net
page précédent haut de page
|