David Orchard
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Le 14 décembre 2004

Quand Bush évoque la Seconde Guerre mondiale

de David Orchard

Le 2 décembre 2004, le Globe & Mail affichait à la une : « Evoking World War II, Bush Prods Canadians » (Bush évoque la Seconde Guerre mondiale pour mieux convaincre les Canadiens). L'article poursuivait ainsi : « Dans son principal discours sur le sol canadien, le président américain, George W. Bush, a essayé de pousser le Canada à accroître sa lutte contre le terrorisme en lui rappelant son engagement dans la Seconde Guerre mondiale… il a dit espérer que le Canada appuierait ses plans de défense anti-missiles… et a rappelé les propres paroles de l'ancien premier ministre, William Lyon MacKenzie King, lorsque celui-ci prônait une intervention aggressive pendant la Seconde Guerre mondiale : 'Nous devons prendre l'offensive et aller à la rencontre de l'ennemi avant que celui-ci ne nous attaque, avant que nos villes ne soient détruites'. »

Venant de M. Bush, ces paroles ne manquent pas de surprendre.

Mackenzie King avait prononcé ces mots en réponse aux actions de l'Allemagne nazie, qui était alors la plus grande puissance militaire au monde. L'Allemagne avait en effet envahi la Tchécoslovaquie et la Pologne, et avait commis des atrocités qu'on devait par la suite qualifier de crimes de guerre.

King incitait ses compatriotes à résister au tyran nazi et à venir en aide à la Grande-Bretagne qui, sous la direction de Winston Churchill, se retrouvait presque seule à lutter contre le Troisième Reich.

Comment peut-on faire une comparaison avec la situation d'aujourd'hui? Les États-Unis sont, et de loin, le pays le plus puissant de la planète, avec un arsenal et un budget militaire équivalents à ceux de tous les autres pays réunis. En termes comparatifs et absolus, la puissance américaine dépasse très largement celle de l'Allemagne de la Seconde Guerre. Au cours des dernières décennies, ce sont les États-Unis qui ont envahi des pays en Afrique, au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Asie, faisant six millions de morts et de blessés au VietNam, au Cambodge et au Laos, pour ne compter que ceux-là.

Le premier ministre Diefenbaker a refusé d'envoyer des soldats au VietNam, comme le lui demandait le gouvernement américain. Et l'histoire a montré qu'il a eu raison.

De quoi donc exactement M. Bush cherche-t-il aujourd'hui à « convaincre » les Canadiens?

L'armée américaine a attaqué l'Iraq et en occupe aujourd'hui le territoire. Aider les États-Unis à maintenir cette occupation serait tout à fait contraire à l'appel de M. King : celui-ci prônait la résistance contre un occupant puissant et armé qui, en contravention flagrante du droit international, avait envahi plusieurs pays et planifiait clairement d'en envahir d'autres, tout en exploitant les matières premières de chaque territoire occupé pour fabriquer ses propres armements.

Peut-on raisonnablement affirmer qu'en 2003, l'Iraq, qui n'avait pratiquement pas d'armements - comme on le reconnaît largement aujourd'hui -, qui subissait des sanctions depuis dix ans et qui était même incapable de nourrir sa propre population, était sur le point d'envahir les États-Unis ou le Canada afin de prendre le contrôle de nos ressources? N'est-ce pas plutôt les États-Unis qui sont en train de s'emparer des gisements pétrolifères de l'Iraq? Et contrairement à la propagande qui a précédé la guerre, ce sont les États-Unis, et non l'Iraq, qui possèdent et utilisent des armes de destruction massive à base d'uranium appauvri, dont les effets radioactifs vont contaminer plusieurs générations à venir.

Dans les années 90, j'ai eu l'occasion de visiter un hôpital du centre du VietNam qui soignait des malades contaminés par l'épandage aérien d'Agent orange et d'autres armes chimiques par l'armée américaine. Il m'est difficile de trouver les mots pour décrire la souffrance de ces personnes, mais la décision de M. Bush d'utiliser de l'uranium appauvri, des hélicoptères de combat et des bombardiers B-52 pour apporter « la liberté et la démocratie » à l'Iraq a fait rejaillir dans ma mémoire les visages de ces malades.

MacKenzie King appelait ses concitoyens à résister à la tyrannie de l'envahisseur étranger; il ne préconisait absolument pas la conquête d'un pays par un autre plus puissant.

C'est avec fierté que le Canada a mené un combat acharné contre l'Allemagne nazie. Et aujourd'hui, le fils de celle qui a consacré plusieurs années de sa vie à lutter contre ce monstre qu'était Hitler n'accepte pas que certains viennent « sermonner » les Canadiens sur la nécessité de défendre la liberté. Rappelons simplement pour mémoire que, dans cette conflagration mondiale qui a fait 40 millions de morts, les Canadiens se sont engagés deux ans avant les États-Unis, lesquels ne s'y sont vus contraints qu'après avoir été attaqués à Pearl Harbour en 1941.

L'invasion et l'occupation de l'Iraq par les Américains constituent une violation flagrante du droit international - tel qu'il a été défini par le Tribunal de Nuremberg, par la Charte des Nations Unies et par un certain nombre de traités et de conventions internationaux antérieurs - qui ne permet à un pays de recourir à la force que dans deux cas : pour se défendre contre une attaque directe ou continue, ou si le Conseil de sécurité des Nations Unies l'autorise à le faire. Aucune de ces deux situations ne s'applique à l'Iraq. Une vaste majorité de Canadiens ont appuyé leur gouvernement en 2003 lorsque Jean Chrétien a refusé de participer à l'invasion de l'Iraq, de la même façon qu'ils avaient appuyé John Diefenbaker lorsqu'il avait refusé de participer à la guerre du VietNam. À cette époque comme aujourd'hui, les Canadiens et leur gouvernement affichent clairement leur respect du droit international.

Un État ne peut pas faire fi du droit international comme bon lui semble, car c'est le code fondamental qui régit et harmonise les relations entre les États afin d'éviter les guerres et les bains de sang qu'elles provoquent. S'il n'y avait plus de droit international, ce serait à nouveau la loi de la jungle.

Si nous devons nous faire sermonner, que ce soit pour que nous défendions davantage le droit international, mais pas pour que nous en acceptions mieux les violations.


David Orchard est l'auteur de « Hors des griffes de l'aigle - Quatre siècles de résistance à l'expansionnisme américain », et a été candidat à la direction du Parti fédéral progressiste conservateur en 1998 et en 2003. Il exploite une ferme à Borden, SK, et on peut le joindre par téléphone au (306) 652-7095, ou par courriel à davidorchard@sasktel.net   www.davidorchard.com

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