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16 mai 2005

La bande des trois

de David Orchard

Même au fin fond des prairies à la saison des semailles, on arrive à entendre, par-dessus le vrombissement des tracteurs, les discours sentencieux que nous assènent le nouveau Parti conservateur et le Bloc québécois à Ottawa.

Le gouvernement est corrompu. Il aurait déjà dû démissionner. Qu'attend-il?

On a même fait venir d'Alberta et de Colombie-Britannique des députés atteints d'un cancer, pour qu'ils puissent participer à un vote qui devait renverser le gouvernement. Mais en vain... celui-ci ne démissionne toujours pas. C'est à croire qu'il est insensible aux sacrifices que ces mêmes députés disent avoir consentis pour venir jusqu'à Ottawa.

Les médias ne sont pas en reste, à preuve cette populaire émission de nouvelles nationale où M. Martin et d'autres libéraux apparaissent sur des avis de personnes recherchées par ... «la bande des trois» : Stephen Harper, Peter MacKay et John Reynolds; on se croirait en plein far west.

John Reynolds? N'est-ce pas le même John Reynolds qui était prêt à devenir un sénateur TPS pour M. Mulroney en 1990? Chuck Guité ne nous a-t-il pas dit que, du temps de Mulroney, la corruption était pire qu'avec les libéraux? Mais aujourd'hui, M. Reynolds hurle avec les loups et se répand en discours indignés.

Et qu'a-t-il à son côté? L'ineffable Peter MacKay, avocat de Nouvelle-Écosse, magistrat de son plein droit, qui s'est engagé par écrit à reconstruire le Parti progressiste conservateur et à ne pas fusionner avec l'Alliance, qui a été élu chef du parti sur la foi de cet engagement, mais qui s'est empressé, une fois élu, de renier sa signature, sa poignée de main et ses vaines promesses.

Mais on dira bien sûr que tout ça, c'est du passé, que ça remonte à il y a deux ans, et qu'il faut vivre avec le présent.

Et le nouveau chef de M. McKay, le roi de la brigade moralisatrice, n'est nul autre que Stephen Harper, ce dangereux Cassius à «l'air famélique» contre lequel Shakespeare nous met en garde dans Jules César. N'est-ce pas ce même Stephen Harper qui enjoignait M. Mackay de renier l'engagement solennel qu'il avait pris de rebâtir le Parti progressiste conservateur? N'est-ce pas ce même Stephen Harper qui refuse aujourd'hui de rembourser environ 70 000 dollars de dons de campagne versés à un ancien candidat à la direction du Parti progressiste conservateur du Canada?

Bien sûr, il ne s'agit que de 70 000 dollars versés par des particuliers à la campagne d'un candidat, conformément à la loi sur le financement électoral au Canada. Vraiment pas de quoi s'exciter. Ce n'est rien à côté des enveloppes de 50 000 dollars dont on entend parler à la commission Gomery.

Et à propos de 50 000 dollars, n'est-ce pas le pendant provincial du Bloc, le Parti québécois, qui aurait lui aussi reçu une somme de 50 000 dollars? Mais de nos jours, il ne faut parler que de la corruption des libéraux, et c'est sans doute pour cela qu'on passe allègrement sous silence les centaines de milliers de dollars versés en liquide au vieux copain de M. Reynolds, M. Mulroney, par Karl-Heinz Schreiber. Les copains et les coquins... Mais le sujet n'est plus d'actualité, circulez, y'a rien à voir!

Quelques mots encore sur les partenaires des conservateurs dans ce choeur des vierges offensées : les députés du Bloc québécois. Parés de longues robes blanches, le front ceint de l'auréole de la sainteté, ils entonnent chaque jour religieusement l'hymne des turpitudes libérales, et tant mieux si cela leur permet en même temps de consolider leur mainmise sur l'électorat québécois, c'est toujours ça de pris!

Et ce sont les mêmes députés bloquistes qui prêtent serment d'allégeance à notre pays et à ses institutions, qui acceptent les chèques de paie et les pensions du trésor fédéral et qui font tout en leur pouvoir pour faire éclater le pays? Et ce sont toujours les mêmes députés bloquistes dont les bureaux de circonscription financés par le fédéral servent de têtes de pont au mouvement de sécession du Québec? Comme dirait l'autre, c'est le monde à l'envers...

Sans parler de l'enquête publique que M. Parizeau et le fondateur du Bloc, Lucien Bouchard, ont lancée au sujet des malversations de fonds publics destinées à favoriser l'éclatement, plutôt que la préservation du pays?

J'étais peut-être distrait lorsque M. Mulroney – ou était-ce Kim Campbell – a annoncé à la télévision, face aux caméras, le lancement d'une enquête publique sur les ristournes versées au Parti conservateur, et pourquoi M. Mulroney avait reçu tout cet argent dans des chambres d'hôtel.

C'est curieux mais n'est-ce pas Jean Chrétien qui, en 2003, a assaini les règles de financement des campagnes fédérales, en s'inspirant de la nouvelle législation adoptée par le Québec à l'initiative de René Lévesque? Et n'est-ce pas le même Jean Chrétien qui, par la suite, a pris son téléphone pour alerter la GRC sur les inquiétudes qu'il nourrissait à l'égard du programme des commandites? Et n'est-ce pas son successeur, M. Martin, presque aussi corrompu que lui, faudrait-il croire, qui a mis sur pied la commission d'enquête sur les commandites?

Bien sûr, j'habite dans l'Ouest, et vu tout le temps que je passe sur mon tracteur, il y a beaucoup de choses qui m'échappent. Je fais donc confiance à M. Harper, à M. Reynolds et à M. Duceppe pour nous faire retrouver notre fierté. Et puis, après le prochain référendum, avec moins de territoire et de budgets à gérer, Ottawa aura moins de soucis à se faire...
 


David Orchard est l'auteur de Hors des griffes de l'aigle – Quatre siècles de résistance canadienne à l'expansionnisme américain. Il a été deux fois candidat à la direction du Parti progressiste conservateur, en 1998 et en 2003. Il exploite une ferme à Borden, SK. On peut le joindre au (306) 652-7095, ou à: davidorchard@sasktel.net www.davidorchard.com

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