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The StarPhoenix (Saskatoon) le 11 mars 2005
(en anglais: « Canada must play role to end Iraq
occupation »)
Au nom de la démocratie
de David Orchard
Le 22 février dernier à Bruxelles, le premier
ministre, Paul Martin, a annoncé que le Canada enverrait
des troupes en Jordanie pour participer à l’entraînement
de policiers iraquiens. On sait par ailleurs que, même
si le Canada n’est pas officiellement présent en Iraq,
c’est un Canadien, le major général Walter Natyncsyk,
qui, avec l’appui du gouvernement canadien, exerce les
fonctions de commandant adjoint du Third Corps de
l’armée américaine.
Quel est donc le rôle précis du Canada dans cette
région du monde? Difficile de le savoir car les médias
restent étrangement silencieux sur la question, surtout
en Amérique du Nord.
On rapporte chaque jour le nombre total de soldats
américains tués, qui se situe actuellement à environ
1500, et le nombre de soldats blessés, qui est un peu
moins élevé. Mais on ne nous dit rien ou presque du
nombre d’Iraquiens tués ou blessés. (La guerre que les
États-Unis ont menée contre le Vietnam a fait cent fois
plus de victimes parmi les Vietnamiens, les Laotiens et
les Cambodgiens que parmi les soldats américains. Il
semblerait, d’après des estimations récentes, que le
ratio serait le même en Iraq aujourd’hui.). Les médias
font à peine mention du fait, pourtant reconnu par le
Pentagone, que les États-Unis utilisent du napalm et des
bombes à fragmentation en Iraq, alors que ces armes sont
interdites par les conventions internationales. Quant à
certaines des autres armes utilisées, c’est le silence
le plus complet.
Mais la situation s’améliore, nous dit-on, il y a eu
des élections. Sauf qu’une élection-spectacle organisée
dans un pays occupé par une puissance étrangère n’a
guère de légitimité.À cet égard, il est intéressant de
relire un article du New York Times du 4 septembre 1967,
car on y retrouve le même discours que celui qu’on tient
aujourd’hui dans le monde entier pour vanter le succès
de la politique du président Bush en Iraq. Intitulé «
Les États-Unis se félicitent d’un taux de participation
aux élections de 83%, malgré la terreur que fait régner
le vietcong », l’article indique que:
« Selon des rapports en provenance de Saïgon, 83% des
5,85 millions d’électeurs inscrits ont exercé hier leur
droit de vote, malgré les menaces de représailles
proférées par le vietcong… La tenue de ces élections est
considérée depuis longtemps comme un jalon important de
la politique du président Johnson… Elles avaient pour
but de donner une légitimité au gouvernement de Saïgon…
»
Huit années plus tard, le nombre de victimes au Vietnam,
au Laos et au Cambodge s’établissait à 6 millions, et
les États-Unis avaient largué un total de 10 millions de
tonnes de bombes sur ces trois pays, soit quatre fois
plus que le nombre total de bombes utilisées pendant la
Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, la nation la plus puissante au monde
poursuit en Iraq une guerre nucléaire à faible
intensité, dirigée principalement contre la population
civile d’un petit pays en développement, un pays qui a
subi des bombardements en 1991 pour connaître ensuite
douze années de sanctions économiques et, aujourd’hui,
de nouvelles attaques et une occupation étrangère.
L’attaque et l’occupation d’un pays par un autre pays
constituent une violation flagrante du droit
international, tel qu’il s’est construit pendant des
siècles avant d’être codifié dans la Charte des Nations
Unies, dans les conventions de Genève et dans les
décisions du tribunal de Nuremberg. Le juge de la Cour
suprême américaine, Robert Jackson, procureur américain
au procès de Nuremberg, a déclaré devant ce ribunal : «
Déclencher une guerre d’agression est un crime qu’aucune
situation politique ou économique ne peut justifier. »
Et d’ajouter : « Qu’il soit perpétré par les États-Unis
ou par l’Allemagne ne change rien au fait que c’est un
crime. »
Dans sa décision finale, le tribunal de Nuremberg énonce
clairement que « le fait de déclencher une guerre
d’agression n’est pas seulement un crime de droit
international, c’est aussi le crime suprême. »
La Charte des Nations-Unies énonce clairement qu’un pays
n’a le droit d’attaquer un autre pays que s’il est
lui-même attaqué ou s’il a été autorisé à le faire par
le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Aucune de ces
justifications ne s’applique à l’Iraq.
Selon Doug Rokke, ancien directeur du Projet de
l’uranium appauvri, au Pentagone, l’armée américaine a
jusqu’à présent utilisé environ 3 000 tonnes de
munitions contenant de l’uranium appauvri radioactif en
Afghanistan et en Iraq. Les obus lancés par les chars
Abrams contiennent approximativement 10 livres d’uranium
appauvri solide, un peu plus que les obus lancés par
avions Warthog A10 et les blindés Bradley. Au moment de
l’explosion, les munitions sont pulvérisées et la
poussière est emportée par le vent, de sorte que toute
la population iraquienne y est exposée. La poussière
s’infiltre également dans l’eau et le sol. Selon
certaines estimations, l’inhalation de 2 millionièmes de
gramme suffit à causer la mort.
L’uranium appauvri fut utilisé pour la première fois par
l’armée américaine pendant la guerre du Golfe, en 1991.
Depuis, l’incidence du cancer a considérablement
augmenté en Iraq, et c’est un type de cancer pour lequel
on ne connaît pas de traitement. Cette contamination
radioactive resrera mortelle « pour l’éternité », selon
les termes mêmes de M. Rokke.
Le Canada a refusé de participer à la guerre du Vietnam.
Plusieurs Canadiens, dont une courageuse infirmière du
nom de Claire Culhane, ont osé dénoncer, dans des
discours et dans des films, les atrocités qui y étaient
commises, pour que le monde entier sache. Les Canadiens
ont su jouer leur rôle lors de la crise du canal de Suez
en 1956 et de celle des missiles installés à Cuba; ils
ont su s’opposer aux attaques subséquentes des
Américains contre Cuba et à l’embargo imposé à ce petit
pays depuis les années 60. Aujourd’hui, les Canadiens
doivent oser dénoncer sur la scène internationale les
atrocités qui sont commises contre le peuple d’un pays
considéré comme le berceau de la civilisation.
David Orchard est l’auteur de Hors des griffes de
l’aigle – Quatre siècles de résistance canadienne à
l’expansionnisme américain. Il a été deux fois
candidat à la direction du Parti progressiste
conservateur, en 1998 et en 2003. Il exploite une ferme
à Borden, SK. On peut le joindre au (306) 652-7095, ou
à:
davidorchard@sasktel.net,
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