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La presse, 23 janvier, 2003
Une étrange créature
de Vincent Marissal
Oubliez un instant tous vos points de repère politiques
et essayez d'imaginer un conservateur qui milite contre l'accord
de libre-échange nord-américain et pour le protocole
de Kyoto, qui veut une arméé forte canadienne, mais
qui s'oppose fermement à toute intervention en Irak, et qui
est prêt à sacrifier les surplus budgétaires
fédéraux pour investir massivement dans le réseau
public de santé. Question de vous dérouter encore un peu plus, ajoutons que
cette étrange créature politique est bilingue, qu'elle
vient de la Saskatchewan profonde où elle exploite une ferme
biologique. Enfin, ce personnage original rejette toute alliance
de la droite et rêve de relancer, seul, un parti que plusieurs
ont déjà enterré.
Voici, mesdames et messieurs, David Orchard, candidat
à la direction du parti conservateur, qui à terminée deuxième,
derrière Joe Clark, en 1998. Des quatre candidats connus pour le moment
(l'ancien ministre Heward Graftey, le député Peter MacKay, et
l'avocat de Calgary, Jim Prentice), il est celui qui compte la plus grande base
militante. Peter MacKay, meneur présumé de la course à
la direction (course, le mot est fort!) aurait intérêt à
se méfier: dans un parti aussi dépeuplé, il est possible
de prendre le pouvoir en recrutant quelques miliers de membres, ce que M. Orchard
peut très bien faire.
Dans une minuscule salle à l'image des moyens du
parti, M. Orchard a donné mardi une conférence de presse bizarre
qui s'est terminée par une invitation au restaurant adressée à
la trentaine de militants qui l'entouraient. Sympathiques, tout de même,
les petits partis. Parmi ces militants, une écrasante majorité
d'anglophones et d'allophones dévouées à la croisade anti-libre-échange
de leur préféré. À Montréal, allez comprendre...
Le passage de M. Orchard à Montréal est
malheureusement passé inaperçu. Malheureusement, dis-je, parce
que ce candidat à la direction du Parti progressiste-conservateur vaut
bien quelques minutes de votre temps. Ne serait-ce que par curiosité.
Par intérêt aussi pour la suite des choses, parce que M. Orchard,
aussi déroutant que puisse être le personnage, pourrait très
bien se retrouver à la tête du parti jadis dirigé par Brian
Mulroney, Monsieur libre-échange en personne.
Pour ce qui reste du Parti conservateur, direz-vous, ce n'est pas très
important. Pourtant, au contraire, cela démontre à
quel point ce parti s'en va à la dérive.
vmarissa@lapresse.ca
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